Dans le journal Dimanche Express n° 24 du 26 juin 2011, a paru un article intitulé :
Le créationnisme progresse … le bon sens régresse.
L’article parle des doctrines développées par les évangélistes et les musulmans qui présentent la création faite directement par Dieu. L’auteur, Louis Mathoux, conclut en faveur de l’Europe où les chrétiens voisineraient avec la théorie de l’évolution et il qualifie ce voisinage de « bon sens ».
La réalité est peut-être tout autre.
On peut se demander si ces réactions du monde religieux ne sont pas une réponse à l’extrémisme du milieu scientifique. Les scientifiques sont fiers d’être les adeptes d’une loi unique, la même pour tous. Cette fierté les amène parfois à devenir dogmatiques. Ils laissent croire que la connaissance scientifique de l’univers est la connaissance suprême, qu’elle va supplanter toutes les autres. Cela prend ainsi l’allure d’une religion. Il est donc compréhensible que des religions ou sectes s’opposent à cette attitude.
Il se fait que les sectes qui refusent la mainmise de l’évolution sur l’énoncé de la destinée humaine sont très clairement à nos yeux des extrémismes. Mais nous ne prenons plus conscience que l’adhésion à la science est aussi un extrémisme.
En Europe, les chrétiens ne s’opposent plus à la science mais est-ce bien une réconciliation ? Cela vient peut-être du fait que les chrétiens ont regagné les catacombes de l’intériorité et ont laissé la place publique occupée uniquement par cette idée que l’homme serait simplement le produit de l’évolution.
La présentation scientifique de l’évolution, principalement celle des « homo » qui aboutit à l’ « homo sapiens» conduit automatiquement à penser que l’esprit de l’homme est une émanation de l’évolution et donc des lois de l’univers. C’est la seule position que l’on peut exposer publiquement à tous en Europe.
Ce qui ne correspond pas à la foi chrétienne, ni à d’autres fois religieuses, ni même à la génétique. La liberté est individuelle et personnelle et ne peut être le simple produit d’une évolution biologique. C’est aussi la conviction du généticien qui a dit « Il n’y a pas de gène de la liberté » !
Et la pensée de Theillard de Chardin ne va pas nous aider. Celui-ci a eu des intuitions géniales, certes, mais le vocabulaire employé pour exprimer la montée en conscience n’arrive pas à nuancer la description de l’évolution et à distinguer l’homme de tout autre être matériel ayant déjà un « grain de conscience ». Si, pour le chrétien, cette pensée ne gêne pas sa foi en la valeur de la personne, elle laisse toujours la possibilité de penser que l’esprit de l’homme est le produit de l’évolution.
En définitive, l’existence du créationnisme, tant évangéliste que musulman, ne constitue pas une régression mais est un élément d’équilibrage face à la position scientiste de l’évolution. La vision scientifique de l’univers n’est pas la seule et il faut ménager une place convenable à une vision où l’homme n’est pas un démiurge maître de l’univers, mais où il est l’hôte d’une réalité qui le précède et le dépasse.
Il est donc heureux que les penseurs européens aient une opposition qui les fera réfléchir, peut-être, sur la place exclusive qu’ils ont donnée à la science pour comprendre la vie humaine et qu’ils remettent à l’honneur les trois modes de connaissances de l’homme. La science, qui détaille comment fonctionne l’univers, ensuite la philosophie qui échafaude des visions du monde qui permet à l’homme d’orienter sa vie personnelle et sa vie en commun via associations, nations, cultures... et enfin la contemplation qui s’attache à être présent à cette réalité mystérieuse qui nous englobe et de qui nous tenons chacun notre liberté.